Le beau Noël de Smoby

Publié le par colette mourey

"Allez, on y va, on y va!" Hakhan houspille ses quatre collègues chargés d'envoyer des tiges de baby-foot dans la cabine de peinture de l'usine Smoby de Moirans-en-Montagne, dans le Jura.
Il y a un an, le jeune homme en bleu de travail était loin de mettre la pression sur son équipe.
Comme 90 autres ouvriers, il redoutait d'être licencié après la mise en redressement judiciaire du leader du jouet français. La PME jurassienne créée en 1924 par la famille Breuil s'effondrait alors sous le poids d'un endettement record et d'une gestion critiquée.
Un choc pour cette région de montagne où un millier de salariés sur un total de 1" 300 ont définitivement perdu leur emploi.


Aujourd'hui, trois sites Smoby (Moirans, Arinthod et Groissiat) fabriquent tricycles, toboggans et autres maisons de jardin.
Thomas Le Paul, nouveau directeur général, le jure:
"Le carnet de commandes de Noël est plein et les ventes démarrent bien."
Pour avril 2009, Smoby anticipe un chiffre d'affaires de 120 millions d'euros, alors qu'il tablait sur 75 millions d'euros au moment de sa reprise à la barre du tribunal.
Plus étonnant encore, le groupe recrute.
"Nous cherchons des pros du marketing.
On a besoin d'idées neuves
", enchaîne Thomas Le Paul, qui a déjà embauché 80 personnes.

A l'origine de ce conte de Noël, Simba, un groupe allemand quasi inconnu en France.
En mars, ce spécialiste du jouet gagne la confiance du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, face à une dizaine de candidats tout aussi déterminés.
Michael Sieber, patron de Simba, met 15,5 millions d'euros sur la table pour emporter les sites industriels et deux marques phares: Smoby et Berchet.

Simba a ensuite joué la prudence en plaçant à la tête d'une PME déboussolée un duo franco-allemand. Thomas Le Paul, qui dirigeait la filiale italienne de Simba, a été propulsé, à 32 ans, à la tête du groupe français, qu'il connaissait déjà.
A la production, un homme de confiance: l'Allemand Michael Raum.

Le tandem a évité toute chasse aux sorcières: "Nous avons repris les anciens salariés qui n'étaient pas à l'origine des problèmes", assure Thomas Le Paul.
Peu à peu, le dialogue social s'installe.
Même Gilles Rizzi, délégué syndical CGT, salue l'évolution: "Avant, on marchait sur la tête. Maintenant, on résout les problèmes les uns après les autres."

Simba a injecté 5 millions d'euros pour financer la collection du printemps prochain.
"Cette gamme 2009 constitue un vrai test, car elle a été conçue avec une équipe réduite, anticipe Thomas Le Paul.
Croisons les doigts: jusqu'à présent, nos clients sont restés fidèles, notamment Auchan et La Grande Récré.
" Si la cote d'amour de Smoby en France est intacte, elle s'est effondrée à l'export, qui assurait 40% de l'activité.
Le groupe a perdu des parts de marché en Grande-Bretagne.
"En 2009, Smoby va profiter des filiales de Simba bien positionnées en Europe de l'Est, en Russie et au Moyen-Orient pour rebondir", rassure Thomas Le Paul.

Peu à peu, la page Breuil se tourne, même si Jean-Christophe Breuil, ex-patron de Smoby, reste en liberté sous contrôle judiciaire.
Selon Yvon Calvet, procureur adjoint près le tribunal de Nancy, "la justice poursuit ses investigations concernant notamment des faits d'abus de biens sociaux et de banqueroute".

Un miraculé, Smoby? "Le groupe était moribond, il est seulement en convalescence", nuance le directeur général.
Le Jura, lui, a repris espoir.
"Cinquante-six pour cent des licenciés de Smoby ont signé un CDI, un CDD, une dispense de recherche d'emploi ou sont en intérim.

La cellule de reclassement doit fonctionner encore un an", observe Marie-Christine Dalloz, députée UMP du Jura.

Par Marie NICOT, envoyée spéciale à Moirans-en-Montagne (Jura)
Le Journal du Dimanche

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